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Christian CONSTANT histoire d'amour, histoire de chocolat





S – Le métier en 20 ans, le métier de chocolatier a beaucoup évolué. Qu’est-ce que vous, vous en pensez ?

C – Je pense qu’il a bien évolué dans le bon sens. C’est-à-dire qu’aujourd’hui un bon chocolatier c’est quelqu’un qui est capable de faire de bonnes ganaches. Bon avant c’était pas ça.

S – C’est vrai.

C – Le grand chocolatier c’était le monsieur qui faisait du belge. C’est-à-dire une mince couche de chocolat autour d’un truc qui peut être de la pâte d’amande, qualité plus ou moins intéressante, de fourrage sucré qui quelques fois, oui bon n’était pas non plus passionnant. Mais il a beaucoup évolué dans la direction de la qualité, et ça je pense que c’est dû à un gros travail de médias parce qu’on a eu beaucoup plus de gens qui ont été des journalistes, comment dirais-je, avertis en tout cas et qui ont su parler du produit, le décrire et faire de l’information. Il est certain que les conférences que nous tenons nous-mêmes à l’Académie font avancer le schmilblick comme on dit.

S – Ben oui, non mais c’est sûr. Et il y a eu du changement du niveau, au niveau chocolatier ?

C – Oui.

S – Mais enfin j’imagine aussi beaucoup au niveau des cacaoculteurs ?

C – Tout à fait.

S – Qui s’est fortement développé,

C – Oui parce qu’on leur demandait avant de produire, donc leur recherche était basée sur le volume et pas sur la qualité. Bon, on avait pratiquement abandonné le Criollo, parce qu’on trouvait que ça produisait peu, que c’était sujet au maladie et donc il fallait pas en faire, ou en faire le moins possible. Quand on a fait les grosses implantations de cacaoyers en Côte d’Ivoire notamment, on savait par quel biais c’est arrivé. Le Brésil qui avait son Forastero amelonado là ces gros, ces grosses boules toutes rondes là, d’un cacao qui était très peu aromatique finalement mais qui était bien productif, bon on l’avait implanté à Saint Thomas, São Tomé, São Tomé-et-Principe, donc les portugais l’avaient bien développé et quand la France s’est dit bon ben on a la Côte d’Ivoire, qu’est-ce qu’on doit en faire ? Est-ce qu’on aurait pas des cultures pérennes ? Et ils se sont dit et bien attendez on a un truc là qui est en train de bien marcher et c’était la Gold Coast, le chocolat Côte d’Or, la Gold Coast. C’est parti donc de São Tomé, Principe, les travailleurs immigrants l’ont ramené donc sur la côte et puis ça fait le tour et c’est arrivé en Côte d’Ivoire. On était ravis. Ça produisait énormément, on déforestait un petit peu mais ça c’était pas grave on s’en foutait à l’époque et puis en attendant on avait des grosses productions de cacao qui était des cacaos basiques. Alors qu’est-ce qu’on faisait avec ça si on voulait les rendre aromatiques ? Et bien on prenait ce cacao puis on rajoutait une toute petite couche de cacao fin dedans, de manière à améliorer. C’est comme si vous prenez un vin de table très ordinaire que vous achetez dans une grande surface et puis vous le complétez en mettant un petit verre de Pétrus à l’intérieur. Voilà vous avez un petit parfum de Pétrus mais avec une base qui en attendant n’a pas beaucoup d’intérêt. Voilà.

S – Ok. Donc dans tout ça par rapport à cette évolution, est-ce que vous, vous avez des nouveaux projets ?

C – Et bien c’est-à-dire que malheureusement je suis atteint par la limite d’âge moi, j’aimerais bien trouver quelques jeunes passionnés auxquels je puisse transmettre mes désirs, mes passions et qui continuent peut-être dans cette direction. Maintenant, il faut en trouver quoi.

S – Donc why not.

C – Why not. Voilà. Donc je passe une annonce. Chers amis qui nous écoutez, qui nous regardez, si vous avez quelques ambitions qui vont dans le même sens que moi, rencontrons-nous !

S – Pourquoi pas. Donc Christian Constant y’a pas de soucis. Donc est-ce que, justement, pour vous, donc, j’imagine que le chocolat représente une grande partie au niveau de la passion que

C – Bien sûr.

S – Au quotidien.

C – Je me souviens vous avoir dit un jour que, on peut vivre sans amour mais pas

sans chocolat.

S – Oui.

C – Voilà.

S – Tout à fait. Donc sans amour mais pas sans le chocolat, attention !

C – Pourtant on peut aimer les deux quand même.

S – Voilà les deux quand même. Moi c’est vrai que dans tout ça, j’imagine qu’il y a des idées folles que vous aimeriez ou vous avez peut-être réalisées mais, est-ce qu’il y en a une vraiment plus que tout que vous avez jamais fait et que vous aimeriez faire ? Quelque chose de complètement dingue sur le chocolat.

C – Et bien j’aimerais probablement trouver la petite plantation extraordinaire qui sort un truc, bon j’aimerais faire un Pétrus, j’aimerais faire un, je sais pas quoi moi, un Gevrey-Chambertin, un fabuleux, et arriver à trouver le truc extraordinaire que l’on ne mangerait que religieusement après avoir fait un signe de croix, ou un autre signe religieux d’ailleurs, quel qu’il soit, et qu’on ne se passerait que sous le manteau d’ailleurs. Les clients rentreraient ici en me disant : « Dis donc, vous n’auriez pas 100 grammes de, X » Oui et je serais, je prendrais une allure très hautaine et je leur dirais : « Mais vous savez, tout se mérite dans la vie. » Voilà.

S – Ben ça c’est une idée folle, mais bon pourquoi pas.

C – Et bien voilà.

S – Pourquoi pas. Mais c’est vrai que ça met du temps à pousser,

C – Oui.

S – Ce cacao bien spécifique, ce Pétrus cacao, pourquoi pas, donc, avis aux cacaoculteurs, envoyez des cabosses.

C – Vous savez qu’on les caresse dans le sens du poil ceux qui font des bons, bien sûr et on leur paye leur cacao beaucoup plus cher.

S – J’imagine qu’il y a des secrets de fabrication. Quel est, est-ce que vous pouvez révéler – alors pas dans la torréfaction pour faire le chocolat, mais dans les ganaches ou dans vos pralinés – est-ce que vous avez un secret que vous souhaitez, divulguer?

C – Non il n’y a pas de grand secret. Il y a des dosages, il y a des petits savoir-faire qui sont bons – moi j’ai rien à cacher à quiconque. Moi Patrick Roger est sorti de chez moi, bon ça ne me gêne pas du tout au contraire. Vous savez Chanel disait : « On ne copie que ceux qui ont du talent. » Elle avait bien raison. Moi quand on ne me copie pas, quelque part, je commence à m’inquiéter.

S – Ok.

C – Je me dis peut-être que tu es à côté. Et être copié pour moi c’est très bien.

S – Oui ça c’est vrai. Ça c’est vrai.

C – Et bien voilà.

S – Tout à fait. Donc j’imagine vous avez des spécialités.

C – Oui bien sûr.

S – Quelles sont aujourd’hui vos spécialités qui sont fortes chez vous ?

C – Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a pratiquement les ganaches on peut dire que les ganaches sont des produits qui sont très demandées par nos clients en tout cas. On nous demande également tous nos pralinés. Les pralinés sont faits chez nous avec pas n’importe quelle amande. J’achète pas d’amande de Californie, j’achète que de l’amande d’Espagne, parce que pour moi c’est la meilleure. La noisette du Piémont parce que pour moi c’est aussi la meilleure, évidemment. Bon on fait des pralinés à l’ancienne parce que j’aime bien avoir un peu de croquant quand même.

S – Donc avec des meules granite ?

C – C’est fait à la meule de granite.

S – C’est fait à la meule de granite.

C – Absolument, oui oui.

S – D’accord.

C – Mais en tout cas ça donne des résultats qui sont très agréables. Et bien sûr il faut pas exagérer d’un côté comme de l’autre. Moi je suis gourmand comme un moine. Quand on fait du praliné, si je mets mon nez dans les amandes avant qu’elles soient broyées, je m’arrête plus. C’est quand même drôlement bon. Voilà.

S – Ok. Est-ce que vous auriez une recette pour nos internautes, d’une ganache ou d’un chocolat ?

C – Alors vous savez c’est tout bête, une ganache c’est la plus facile de toutes les recettes. Deux fois plus de chocolat que de crème. C’est tout hein. Bon, une crème de qualité qui ne soit pas acide, qui soit pas aigrelette. Qui soit bonne déjà. Un très bon chocolat, et puis vous allez faire des truffes superbes avec ça.

S – Ok.

C – C’est tout. Et maintenant si vous voulez faire du chocolat chaud aussi. Jamais de poudre ! Seigneur !

S – Jamais.

C – Parce que la poudre c’est un produit inférieur. Est-ce qu’on va s’amuser par exemple à distiller un grand vin qu’on laissera l’alcool ? C’est ridicule. Quand on fait de la poudre - ce sont les beurriers qui font ça – bon on fait de la poudre selon la recette de Vanhouten qui n’a pas changé d’ailleurs – et c’est pas un produit de qualité. Donc si vous voulez faire un bon chocolat chaud, c’est bête comme chou. Il vous faut un bon lait, pas du tout un demi-écrémé etcetera, du vrai lait.

S – Du vrai lait.

C – Et d’une. Bon, ensuite du chocolat en tablette, de très bonne qualité, que vous allez casser pour améliorer la fonte, au couteau ou avec ce que vous voulez en tout cas pour que la fonte soit plus rapide. Vous faites bouillir votre lait. Si vous voulez mettre un petit peu de, un petit bâton de vanille dedans ça ne gâchera rien non plus. Bon. Une fois que le lait est bouillant vous allez incorporer votre chocolat, vous allez remuer pour que ça fonde bien comme il faut, voilà. Et puis vous allez attendre, et quand on le réchauffe, en général c’est meilleur. Mais il faut jamais le réchauffer directement sur le feu, parce que sinon ça brûlerait.

S – D’accord.

C – Ça accrocherait. En tout cas faire un chocolat chaud avec de la tablette, c’est meilleur hein !

S – Vous avez entendu. Chocolat chaud avec une tablette.

C – Maintenant si vous voulez en savoir un peu plus...

S – Il faut venir dans les labos de Christian Constant.

C – Il faut se dépêcher.

S – Il vous embauche. Donc allez-y, allez-y. Non, mais blague à part. En tout cas est-ce que vous avez un dernier message à transmettre à nos internautes ?

C – Moralement soyez gourmand. Ne vous empêchez pas d’être gourmand. « La gourmandise est de tous les pêchés le plus vertueux » disait Balzac. Quant à Maupassant il disait : « Ne pas être gourmand c’est avoir la bouche bête, comme on a l’esprit bête ». Voilà.

S – Ok. En tout cas merci Christian. C’est avec plaisir d’avoir, de pouvoir discuter avec vous sur ce fameux chocolat. Merci à vous. Je vous souhaite une bonne continuation. Je vous dis à bientôt. Merci Christian encore une fois. Au revoir.

C – Au revoir.


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