Le beans to bar vu par Laurent Gerbaud





Sébastien – Toi, tu parles du beans-to-bar, et c’est vrai que depuis quelques années, c’est vraiment en effervescence dans le monde entier, aux États-Unis, en Angleterre, en France. Qu’est-ce que toi tu penses de cette mouvance-là, du beans-to-bar ?

Laurent Gerbaud – Je trouve ça positif dans le sens où on se réapproprie la gestion et le travail des matières premières. Parce que sinon on est un simple transformateur, on fond du chocolat, on le moule et on le fourre avec quelque chose que j’espère on a fabriqué soi-même. Ce n’est pas toujours le cas puisqu’il y a moyen d’acheter des ganaches en seau chez les fabricants, de plus en plus. Donc c’est bien. Ça veut dire que l’on retourne vers les matières premières.

Maintenant il faut savoir que le cacao c’est vraiment – enfin ça vous le savez – une matière première fragile, et c’est compliqué d’avoir un produit fini nickel. Par exemple pour moi, c’est dix fois plus facile d’acheter chez Domori même si c’est cher, le meilleur chocolat de couverture parce qu’au moins je suis sûr que mon produit sera toujours nickel. Quand on fabrique à partir des fèves il faut accepter les aléas de la production. Une fois les fèves sont mauvaises ou moins bonnes, une fois la torréfaction est trop forte, une fois on n’a pas assez conché. Donc chaque batch, quand on fait des micro-batch en bean-to-bar, va être différent. Donc avoir une régularité dans les petites productions c’est ce qu’il y a de plus compliqué et c’est pour ça qu’il faut – des gens comme Bonnat, Pralus etc – c’est vraiment des années et des années de pratique avant d’avoir un bon goût.

J’ai eu une réflexion pendant les vacances qui était géniale. C’est une belge qui s’est lancée dans le vin en France – enfin ils ont tout un domaine en Provence et ils ont planté des vignes – et elle me dit : « On a fait un bon vin par accident ». Et donc ils ont fait un bon rosé la première année, elle me dit, mais, c’est par accident. C’est un hasard. J’ai adoré. Ça c’est vraiment de l’humilité de dire voilà on ne maîtrise pas tout et parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Et en chocolat c’est la même chose. Il faut vraiment bien séparer le marketing, le packaging, la relation presse etc., l’image qu’on veut donner et puis la qualité réelle du produit. Il ne faut pas lancer un produit si on n’est pas vraiment satisfait, qu’on n’a pas passé disons, des tests de dégustation par des professionnels. Parce que sinon on met du charbon sur le marché et on tue sa marque en très peu de temps. Il faut vraiment être très humble je trouve par rapport à ça, mais c’est vraiment intéressant. Au niveau du cacao, à partir du moment où on fait du bean-to-bar ça n’a aucun sens d’acheter du cacao industriel. Donc ça veut dire qu’on peut aller, pour des plus petites quantités vers des petits producteurs, donc essayer d’aller dans une relation directe et de faire du vrai Fairtrade. Pas simplement payer un bonus en bourse sur un container.

C’est plus aller vers un truc plus respectueux de l’environnement, plus éthique mais sans non plus tomber dans le marketing qu’on voit aujourd’hui dans le Fairtrade par exemple. Le produit Fairtrade devient un produit marketing. Donc je trouve que c’est une chouette approche pour la maîtrise du procédé, donc au niveau personnel, comprendre sa matière première. Pour les gens qui travaillent sur le projet, parce que c’est super excitant et puis travailler vraiment en amont avec les producteurs.


ChocoClic


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