La Manufacture de Chocolat d'Alain Ducasse



« Chocolat, le mot se savoure avec gourmandise. Le chocolat est une promesse de bonheur à laquelle on cède avec volupté. Il m’envoûte à un point que je ne saurai dire. Il ouvre les portes à l’imagination et à la création. A condition de bien le connaître, car ce produit noble et exigeant est le fruit d’un travail exceptionnel, dont seul l’artisan chocolatier sait pressentir les richesses.



UN UNIVERS

Au fond de la petite cour pavée du 40 rue de la Roquette, le bruit des machines qui pétrissent, tournent, concassent, broient et malaxent s’élève en une cadence ronronnante et hypnotique. Des effluves aromatiques, acidulés, boisés et caramélisés imprègnent l’air ambiant et émoustillent déjà les narines. Des dizaines de sacs de jute entreposés à l’entrée évoquent le voyage : Pérou, Sao Tomé, Madagascar, République Dominicaine, Trinidad, Vietnam… Ce sont les fèves de cacao, venues des quatre coins de la planète, qui attendent leur tour pour être transformées en chocolat. Derrière la lourde porte de verre et d’acier, les artisans chocolatiers s’affairent. Sur le comptoir de vente, bonbons chocolat, tablettes et autres douceurs s’offrent au regard et invitent à la dégustation… Tous les sens sont en éveil.

En plein coeur de l’effervescent quartier de la Bastille, nous pénétrons dans un lieu singulier : la Manufacture de chocolat Alain Ducasse. Un atelier où le chocolat est confectionné artisanalement, de la fève jusqu’au bonbon, sur des machines « vintage » à taille humaine, et selon des méthodes traditionnelles à l’épreuve du temps.

C’est à Nicolas Berger qu’Alain Ducasse a confié les rênes de la Manufacture qui renoue avec l’essence de l’artisanat. Ils souhaitent tous deux redécouvrir les rouages, précis et laborieux, de la fabrication du chocolat.

Alain Ducasse donne la direction artistique, définit les saveurs. Quant à lui, Nicolas essaie, ajuste, adapte, travaille encore, chaque jour, avec minutie, savoir-faire et ingéniosité. Ensemble, les deux hommes goûtent et affinent pour réaliser des chocolats qui expriment au mieux leurs origines, leurs caractères.

LA GENESE

Dans les années 70, Alain Ducasse est un jeune cuisinier en formation chez Michel Guérard. De passage à Eugénie-les-Bains, Gaston Lenôtre lui fait découvrir l’univers du sucré. A la morte saison, en hiver, Alain Ducasse le rejoint à Paris, où il rencontre également Michel Chaudun. Il découvre alors le métier de pâtissier qui lui fait littéralement tourner la tête, lui donne le vertige. Puis, alors qu’il travaille chez Alain Chapel à Mionnay, il occupe ses jours de congés auprès de Maurice Bernachon, artisan-chocolatier lyonnais.

C’est de cette époque que date sa passion pour le chocolat « une matière terriblement sensuelle et envoûtante » dit-il. Trop, estime-t-il, au point de décider de se concentrer à nouveau et exclusivement sur la cuisine. Depuis plus de 30 ans, son rêve de chocolat ne l’a pas quitté… et s'est concrétisé avec la création de la Manufacture.

Depuis ses débuts, la philosophie culinaire du chef repose sur la sélection rigoureuse de produits de grande qualité dont il exprime pleinement les saveurs originelles et les parfums. C’est donc très naturellement qu’au-delà de la cuisine et de la pâtisserie, cette ligne de conduite s’est imposée également à lui pour le chocolat, comme une évidence.

Le chef souhaitait faire son propre chocolat pour ses restaurants. Faire du chocolat oui, mais à condition de pouvoir en maîtriser parfaitement le goût. Pour cela il faut le fabriquer de bout en bout, en partant de la fève de cacao qui doit faire l’objet d’un sourcing attentionné.

C’est à New York, en 2000, qu’Alain Ducasse a rencontré Nicolas Berger. Ce dernier est tombé dans le chocolat quand il était petit : dans l’atelier de son père Paul Berger, pâtissier-chocolatier près de Lyon, il passait déjà des journées à « enrober les bonbons ». Après être passé dans de grandes maisons comme Hévin, Peltier ou Ladurée à Paris, Nicolas part exercer ses talents à l’étranger, Gênes d’abord, New York ensuite, notamment à la pâtisserie Payard. Alain Ducasse l’embauche alors comme chef pâtissier pour son restaurant situé dans l’Essex House, et lui confie le même poste trois ans plus tard pour son restaurant du Plaza Athénée, à Paris. Avant de le nommer enfin chef pâtissier exécutif pour l’ensemble de ses établissements. Pendant quatre ans, il voyagera et diffusera son expertise à ses équipes à travers le monde.

C’est naturellement, après 12 années d’une collaboration réussie, qu’Alain Ducasse proposa à Nicolas de l’accompagner dans son projet de chocolat. Partageant la même philosophie du produit, les deux hommes s’entendent tout de suite. Se concrétise l’idée folle de créer une fabrique de chocolat en plein Paris. Un rêve fait de détermination, de créativité et de savoir-faire.

Avant d’ouvrir ses portes au public, la Manufacture approvisionne les restaurants d’Alain Ducasse en bonbons chocolat, en tablettes, mais aussi en chocolat de couverture pour les desserts. Aujourd’hui chacun des restaurants de Monaco, Paris et Londres a un dessert signature réalisé avec le chocolat de la Manufacture.

L’IDENTITÉ

La Manufacture de chocolat vient de la volonté de revenir aux racines, à l’essence même de ce qui fait le chocolat : un travail d’orfèvre, méticuleux et créatif, un artisanat qui fait corps avec des machines sur mesure, des processus qui prennent du temps… Dans un monde qui tourne de plus en plus vite, on renoue ici avec une certaine idée de lenteur, de patience, d’amour du travail bien fait.

Dans ce lieu qui s’offre intégralement au regard, Alain Ducasse et Nicolas Berger souhaitent faire redécouvrir la magie physique, sensorielle et sensuelle de l’univers du chocolat. Transparent, bruyant, vivant, le lieu expose tous les secrets et les rouages du processus complexe et passionnant de la confection du chocolat.

Parce que le chocolat y est fabriqué de façon traditionnelle, et que chaque étape de sa confection est maîtrisée et contrôlée, les artisans peuvent aussi se permettre des explorations et innovations.

Pourquoi ne pas proposer quelques chocolats moins lisses, à la texture plus rustique et affirmée ? Des goûts marqués, fumés, pleins de personnalité ? Pétrir le cacao avec du café ? Imaginer des dégustations comparatives de chocolat et café de même origine ?
« On peut s’autoriser ici des choses, des choix créatifs que l’on ne pourrait faire dans un contexte industriel » se réjouit Alain Ducasse.

Des choix radicaux, presque bruts parfois, un travail tendu vers l’« essentiel », une quête plus originelle qu’originale : les chocolats Alain Ducasse témoignent pleinement que l’artisanat est tout un art.

LE LIEU

En retrait de la bruissante rue de la Roquette, quartier populaire chargé d’histoire, la Manufacture de chocolat Alain Ducasse est implantée dans un ancien garage. Il aura fallu près de trois ans pour trouver cet emplacement idéal qui offre le privilège d’être situé en plein coeur de Paris tout en répondant aux impératifs techniques (système d’extraction, sols solides, accès large).

Sur 320 m2 en fond de cour, l’atelier est une ode à l’artisanat « d’antan », avec un décor brut et authentique qui détonne. « Nous ne souhaitons pas vendre une marque ou une image, explique Alain Ducasse : nous vendons d’abord des produits et un savoir-faire. Nous voulons travailler dans la profondeur, dans la vérité. »
Sols de béton, murs de brique, cloisons en verre dépoli, structures de fonte et d’acier : la manufacture a été conçue pour durer, s’inscrire dans le temps, écrire son histoire et se polir au fil des années à venir.

L’essentiel du mobilier a été chiné et ingénieusement adapté aux espaces : les lourdes portes d’acier aux poignées de laiton proviennent de la Banque de France. Idem pour les rayonnages où s’alignent aujourd’hui les outillages, mais aussi les boîtes et tablettes de chocolat. Les majestueuses grilles de fer qui ornent la cour extérieure et la boutique ont été récupérées dans une orangeraie.

Les lampes à suspension proviennent d’un bateau militaire des années 30. Quant à l’égouttoir de la plonge, c’est un ancien porte-bagages de wagon de train ! « Nous sommes tous les deux très portés sur le vintage et nous adorons chiner, explique Nicolas Berger. Cela semblait une évidence pour meubler et décorer la Manufacture. » Même les moules à friture de Pâques ont été repêchés dans de vieux cartons familiaux : « Des poissons avec une telle personnalité, on n’en fait plus des comme ça ! » ajoute-t-il.


LES MACHINES

Les impressionnantes machines qui équipent la manufacture ont, elles aussi, été « chinées ». Ce fut l’un des plus grands défis du projet. Une recherche ardue qui aura pris près de quatre ans. « Aujourd’hui, les seules machines encore fabriquées sont destinées à un usage industriel ou semi-industriel, avec une capacité de 5 tonnes ou plus. Or, nous avions besoin de trouver des machines avec des capacités de 150 à 200 kg… » explique Nicolas. Conseillé par des artisans souvent retraités et ravis de partager leur savoir, Nicolas est allé chercher, aux quatre coins de l’Europe, une dizaine de vieux engins, souvent poussiéreux et mis au rencart, parfois même destinés à d’autres usages. Ainsi, le torréfacteur Virey Garnier était-il préalablement utilisé pour le café. Il a fallu baisser la température de 70°, ajuster sa vitesse pour ne pas casser les fèves. La trieuse servait aux dragées, le moulin Fryma broyait de la moutarde. Méthodiquement, les manuels et fiches techniques ont été rassemblés.

Les pièces manquantes commandées, parfois fabriquées sur mesure. Les souffleries du vieux tarare (ou casse-cacao) Carle Montanari, récupéré dans une ancienne confiserie en Italie, ont été ré-assemblées par un artisan ferronnier de la région parisienne. Chaque machine a été reconditionnée avec soin… « Très fréquemment, surtout à la première remise en route des machines, j’ai eu des surprises, confie Nicolas : des dysfonctionnements m’ont obligé parfois à changer des éléments dans la chaine de production et à m’adapter. » Nicolas le chocolatier est ainsi devenu, par passion comme par nécessité, un bricoleur hors pair. Il monte et démonte sa broyeuse Bühler en un clin d’oeil, et connaît tous les secrets de son imposante conche (Pedzholdt). Réinventant chaque jour son métier, questionnant sans cesse sa démarche et ses processus de fabrication et faisant sienne la maxime « vingt fois sur la conche, remets ton ouvrage », Nicolas Berger est tout à la fois technicien, artisan et artiste.

PACKAGING & IDENTITÉ GRAPHIQUE

Le packaging est à l’image du Chocolat Alain Ducasse : brut, radical. Le choix de l’essentiel ! Pour les chocolats, des boîtes en carton micro-cannelé de grande qualité, un papier alimentaire spécial pour protéger les chocolats et préserver les saveurs et les parfums, un design exclusif et sur mesure qui s’efface au profit de la vraie vedette : le chocolat. Seule la couleur bronze à chaud sur le rabat apporte une note d’élégance à cette juste simplicité.

Pour les tablettes, une pochette sur mesure, à l’esprit brut, se ferme de façon hermétique afin de préserver tous les arômes du chocolat. On peut l’ouvrir et la fermer à loisir, le temps de la dégustation… Sur chacune, un tampon de couleur signe la provenance de la fève et sa variété.

On repart de la Manufacture avec des sacs-boîtes que l’on porte un peu comme des sacs à main, et que l’on a envie de conserver pour y cacher d’autres trésors…

Pour l’identité graphique : une signature claire et simple qui ne s’encombre pas d’effet, s’inscrivant ainsi parfaitement dans l’ADN de la marque. La police évoque l’écriture que l’on trouve sur les sacs de fèves pour indiquer leur provenance. Les couleurs et les matières naturelles rappellent l’univers de l’artisanat et de la Manufacture.

Le packaging et l’identité graphique ont été confiés au designer Pierre Tachon (agence Soins Graphiques).

ChocoClic


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